Genèse (2/9)
- Bardo727
- 24 mai 2021
- 3 min de lecture

Octobre 2018, massif du Vercors.
C'est une colonne d'hommes en treillis qui s'arrête en altitude, au milieu des sapins et des rocs. Il va faire nuit, et il nous faut dresser le bivouac. Un repos mérité, après plusieurs heures de marche dans ce décor qui séduit mon âme alpine.
Le ciel est dégagé. Nous verrons donc les étoiles, comme me le fait remarquer un de mes camarades, Hugo. Il semble emballé. Il me montre une application permettant de localiser n'importe quel astre : "SkyView Lite". La démonstration m'émerveille.
J'ai toujours aimé regarder les étoiles l'été. Est-ce mon côté poétique enfoui au fond de moi qui, chaque fois, s'alerte à la vue du scintillement céleste ? Je dois dire que la vue du ciel étoilé m'effraie autant que cela me fascine.
A part ces quelques contemplations annuelles, par ailleurs superficielles, cela fait longtemps que je ne me suis pas intéressé à l'astronomie. Pourtant, il fut un temps où j'étais fasciné par le côté "New Age" et ésotérique que peut proposer ce qui gravite autour du monde spatial. Des heures à regarder "Alien Theory", avec ce monsieur aux cheveux en bataille, qui résume les mystères du monde aux extra-terrestres.
Je pense que l'humain est prompt à se mouvoir, par les jambes où l'esprit. Il a une inclinaison naturelle vers ce qui exotique, c'est-à-dire, tout ce qui peut le sortir de sa monotonie, du cadre routinier qu'il connaît. L'exotisme est d'ailleurs relatif. Un cocotier pour un Normand est le sapin pour un Guyanais. J’ai compris cela lorsqu’un ami se rendit au Brésil. Blond, il était exotique pour les locaux. Il insistait d’ailleurs sur sa nationalité suisse, comme pour souligner son côté inédit.
Alors l'espace, l'univers... Merveilleuse usine pour produire du rêve, de l'évasion, même si parfois nous nous échouons sur des rivages improbables et... faux.
Même si j'adorais regarder ces émissions suspectes sur les humains géants (dont on ne trouve aucun ossement) et autres créatures pourchassées perpétuellement par les cryptozoologues, je crois qu'au fond, l'aspect rationnel (trop rationnel ?) de ma personnalité n'est jamais parvenu à céder aux sirènes de l'exotisme aveugle.
C'est donc comme vierge de toute connaissance astronomique que je me glisse dans mon duvet. Je constate que mon choix de prendre un duvet "été" se révèle être partiellement une bonne idée : pratique pour le transport, rude pour dormir en pleine montagne venteuse un mois d'octobre...
J'assume et supporte. Et puis, je dors littéralement à la belle étoile... Quel spectacle. On peut tout soutenir avec ça. Vais-je dormir ? De toute manière, l'heure de mon tour de garde arrive bientôt. J'hérite d'un des créneaux les moins intéressants : ni au tout début, ni à la toute fin de la nuit. Qu'importe, c'est comme ça, et puis j'ai ce ciel et cette application (que je parviens même là à télécharger !) pour m'occuper, entre deux coups d'œil pour m'assurer que tout va bien. Faut dire qu'à des kilomètres à la ronde, il n'y a que nous, et c’est tant mieux. La surveillance est surtout une précaution pour se rassurer. Mieux vaut trop que pas assez dit-on.
Je prends vraiment le temps d'observer le ciel. J'assimile vraiment ce que je vois. Et ce que je vois, c'est une chose que je n'avais jamais vue auparavant : l'intégralité du ciel nocturne disponible.
Point de pollution lumineuse, point de couverture nuageuse. Je suis en face à face avec la Voie Lactée. C'est tout simplement magistral, exceptionnel. Je la vois depuis les montagnes, mon environnement de prédilection. J'ai passé une bonne journée. L'instant est parfait.
Avant, je voyais évidemment une bonne partie des astres lorsque mon regard furetait là-haut. Mais, présentement, c'est le grand rendez-vous. Tout le monde est là.
Je pense profondément que cela fait partie de ces choses élémentaires, trop vites oubliées, que tout Homme se doit de voir au moins une fois dans sa vie.
C'est décidé. Lorsque je serai rentré, je me mettrai à étudier l'astronomie. Je dois comprendre. Je veux continuer à m’émerveiller.
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